Il y a des épreuves si douloureuses qu’on voudrait en mourir. Pourtant, elle peuvent nous apprendre à vivre. Et à grandir.

Monique souffrait de maux de tête depuis quelques semaines quand elle s’est décidée à consulter son médecin. Quelques jours plus tard, le verdict tombait comme un couperet : tumeur maligne. « Tout s’écroulait, raconte-t-elle. J’avais l’impression de rêver, d’être en plein cauchemar. C’était trop bête. »

Personne n’est à l’abri de ces épreuves qui, du jour au lendemain, viennent changer notre vie : la maladie, un accident stupide, la mort d’un être cher, un congédiement. Et pourtant, quand elles frappent, on est toujours pris de court. « On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres », dit Solange, dont le fils est décédé de façon tragique il y a trois ans.

Quand l’épreuve frappe

La première réaction devant l’épreuve, c’est souvent... l’absence de réaction. « Sur le coup, c’est la gifle, le coup d’épée en plein coeur, dit la psychologue Danielle Tremblay. Il peut y avoir comme un engourdissement. La personne éprouvée ne réalise pas ce qui lui arrive. » Et puis, peu à peu, la réalité s’impose. « Alors, les vannes s’ouvrent, continue Danielle Tremblay. Chaque personne réagit selon sa personnalité. Mais règle générale, les symptômes sont les mêmes que pour le deuil. La personne éprouvée passe par toute une série d’émotions : le refus, la colère, la peine, la dépression. »

On compare souvent cette période à un long tunnel sans fin, à un voyage sur une mer houleuse. « Je pensais devenir folle, dit Solange. Marc avait 26 ans. C’est trop tôt. Je trouvais cela injuste. Le soir, quand mon mari écoutait la télé au salon, je descendais me réfugier au sous-sol. Je restais là, assise, à ne rien faire. Je regardais les murs, et j’attendais. Quoi ? Je ne sais pas... Qu’il revienne. J’espérais entendre tout à coup ses pas débouler l’escalier, et sa voix me dire : « Maman, où as-tu mis ma chemise verte ? » J’ai pensé que je ne m’en sortirais jamais. »

Il est normal de se sentir parfois pris de panique devant les nombreuses émotions, souvent contradictoires, par lesquelles on passe. La souffrance est un processus complexe et qui n’est pas forcément logique, du moins pas au sens où on l’entend habituellement. Il faut être capable de s’y abandonner, se faire confiance. Comme la marée, la souffrance vient par vagues. Aux périodes d’accalmie succèdent des périodes plus troublées d’émotions intenses, et des périodes de déni, où l’on refuse, où l’on cherche à fuir sa peine. La psychologue Francine Boucher suggère d’essayer de trouver une sorte d’harmonie entre ces deux dernières phases. « Lorsqu’on se rend compte, par exemple, que l’on est depuis un certain temps dans une période de refus, où l’on fait tout pour se maintenir à distance de sa peine et ne pas la ressentir, il peut être bon de se forcer à parler. Parler de ce que l’on ressent en dedans, évoquer des souvenirs, par exemple, pour laisser sortir l’émotion. Comme il faut être capable aussi à un moment donné de se dire : « Bon, ça fait, j’ai assez pleuré, assez ragé aujourd’hui » et se forcer à voir des gens, à se distraire.

À l’aide !

La psychologue conseille également de se documenter le mieux possible, par exemple de questionner son médecin sur les symptômes physiques accompagnant l’épreuve que l’on a à traverser. « L’angoisse est beaucoup moins forte si l’on sait ce qui va se passer, souligne Francine Boucher. Si on ne connaît pas les symptômes inhérents à certains traumatismes, on risque de mal les interpréter et de se laisser gagner par la panique. » Le fait de bénéficier d’un appui moral joue également un rôle important dans le processus de la guérison. Les études montrent en effet que les personnes qui s’en tirent le mieux sont celles qui, justement, jouissent d’un réconfort, soit de la part d’aidants naturels - parents, amis - ou de groupes d’entraide réunissant des personnes ayant déjà traversé une épreuve semblable.

Chacun affronte l’épreuve selon son tempérament. « Il n’y a pas une « bonne » et une « mauvaise» façon de vivre l’épreuve, souligne la psychologue Francine Boucher. Il faut se méfier des jugements de tout et chacun, du genre : « Tu ne pleures pas assez. Ce n’est pas bon, ça ! » ou « Mais voyons, secoue-toi les puces ! » Personne n’est mieux placé que celle qui souffre pour poser un diagnostic. » Il ne faut surtout pas hésiter à demander l’aide d’un spécialiste, auprès du CLSC, par exemple, lorsque l’on a le sentiment de tourner en rond dans sa souffrance, de s’enferrer dans la dépression ou l’amertume, ou encore lorsqu’on se rend compte qu’on est en train de prendre des habitudes - drogues, alcool - qui ne peuvent qu’ajouter à la détresse.

L’épreuve qui fait grandir

Petit à petit, à travers toutes ces émotions rattachées à l’épreuve - dépression, colère, culpabilité -, la personne éprouvée en vient à accepter que la vie ne sera plus jamais comme avant. La douleur s’apaise doucement, le vide se comble. « La capacité de donner un sens à l’événement joue un rôle fondamental dans le processus de guérison, fait remarquer Francine Boucher. Les personnes qui s’en sortent le mieux sont celles, justement, qui arrivent à donner une dimension à la souffrance pour que celle-ci ne soit pas vaine. Ce réconfort, certains le trouvent dans la foi, d’autres, en voyant l’épreuve comme une étape dans leur cheminement personnel. Peu importe le moyen, pourvu que l’épreuve donne un sens aux yeux de celui qui la vit. »

C’est souvent après coup, une fois l’épreuve traversée, qu’on découvre que cette souffrance n’a pas été vaine... qu’une maladie, par exemple, aura été l’occasion de revoir ses habitudes de vie. « Une tumeur au cerveau, quoi de plus absurde ! dit Monique. Je m’en serais passée. Mais il y a du positif à tirer de tout ce qui nous arrive. Dans mon cas, la maladie m’a donné un regain de vie. J’ai fait un grand ménage dans mes relations. Aujourd’hui, je prends davantage soin de moi. Je me suis même mise à faire de la peinture. Depuis 20 ans que je reportais l’idée ! »

Souvent, l’épreuve nous rapproche de nous-mêmes, nous rend plus sensible, plus à l’écoute de ce qu’on est réellement. Après une épreuve, les gens reviennent souvent à la vie plus riches qu’avant.

Le fait de donner un sens à ce qu’on vit permet de retrouver une impression de contrôle sur son existence. « Si on a la sensation que tout cela se joue en dehors de nous, à quoi bon continuer ? demande Francine Boucher. C’est la défaite. Tandis que si l’on parvient à donner un sens à ce que l’on vit, on retrouve en même temps son sentiment d’efficacité. »

« De nombreuses études en psychologie montrent qu’il y a un lien direct entre ce sentiment d’efficacité, le sentiment d’avoir du pouvoir sur sa vie, et une bonne santé physique et mentale. Les personnes qui n’arrivent pas à surmonter une épreuve, qui restent coincés dans la souffrance ou l’amertume, sont celles qui n’arrivent pas à se dire que malgré tout, la vie n’est pas absurde, que cela vaut la peine de continuer. Chaque événement peut contenir sa part d’enseignement, même ceux qui paraissent les plus absurdes, comme la mort de son enfant, par exemple, qui, une fois assumée, peut avoir comme conséquence de nous rendre encore plus sensibles aux autres, en venant nous rappeler la beauté et la grandeur de la vie. »

Le fait de donner un sens à l’épreuve permet aussi de se tourner vers l’avenir, plutôt que de rester les yeux rivés sur le passé. « La question qu’on peut se poser quand on fait son bilan est la suivante : qu’est-ce que cette épreuve m’empêche de faire aujourd’hui ? Demain ? Souvent, on se rend compte qu’on a pas tout perdu et que la vie peut être encore riche et intense. On cesse de se percevoir comme un survivant... Et on sait que si plus tard une autre épreuve se présente, on sera mieux armé pour y faire face et la surmonter. »

 

Source : GAUTHIER, Jean-Louis. Le Bel Âge, Avril 1996.


 

   

 

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