Extrait de la conférence de l'AFPL à Nantes - 3 décembre 2005

Intervention des Docteurs Th. Riant et Br. Rioult, Algologues travaillant au CHU et à la Clinique Catherine de Sienne à Nantes :
Mise au point de ce qui est admis concernant la fibromyalgie

 

1. Actuellement, qu'est-ce que la fibromyalgie ?

On sait actuellement, on en est sûr qu'avec la fibromyalgie, on arrive à un phénomène d'hypersensibilisation des voies nociceptives (des voies de la douleur) donc à un état d'hyperalgésies. Le fait d'avoir mal c'est un déséquilibre :

  • soit on a une douleur parce qu'il y a excès de nociception (on marche sur une punaise, on a une appendicite...) et le système naturel ne peut plus contrôler la douleur (c'est seulement un signal d'alarme utile)

  • parfois il n'y a pas de message nociceptif, le filtre de la douleur est pris à défaut, le système inhibiteur ne fonctionne plus correctement. Il y a deux neuromédiateurs : la sérotonine, la noradrénaline qui font partie de ce système inhibiteur.

La fibromyalgie, très clairement dans les études, c'est 2 à 5% de la population, une prédominance féminine 90%, c'est 10 à 20% des motifs de consultation dans les services de rhumatologie.

Ce n'est pas une maladie neurologique mais un dysfonctionnement du phénomène de communication de l'information neurologique, qui a un relais énorme au niveau du cortex donc au centre de la mémoire, au centre de la douleur, des émotions, c'est un filtre de la douleur qui est en panne.

2. Les hypothèses pathologiques actuelles

- Les études s'orientent vers un problème de :

  • trouble du sommeil

  • altération neuroendocrinienne. Il y a des études sur l'hormone de croissance, sur la mélatonine mais est-ce que c'est la cause? est-ce que c'est la conséquence? pour l'instant, rien n'est prouvé. L'hypotension (chutes de tension) quand on se met debout, se rapproche de troubles neuroendocriniens.

  • dysfonctionnement des voies nociceptives

  • probablement des prédispositions d'ordre génétique, psychologique mais qui restent à prouver

Il y a des familles de fibromyalgiques, mais la difficulté est d'extraire ce qui relève de la conception de la vie avec la douleur et de ce qui est réellement la douleur, il y a problème entre l'inné et l'acquis.

En définition : il y a une sensibilité particulière à la pression, une allodynie, (des douleurs pour des stimulations qui ne devraient pas en donner), par exemple une plume qui tombe sur un coup de soleil, le coup de soleil est allodynique donc la plume qui tombe dessus fait mal mais la plume en soi ne doit pas faire mal.

Il y a, associés, les troubles du sommeil. La qualité du sommeil, constant, réparateur, est très utile par rapport aux douleurs.

L'ensemble de ces troubles est cause ou conséquence de facteurs psychologiques péjoratifs à type dépression, on peut avoir une dépression et une fibromyalgie, on peut avoir une dépression parce qu'on a une fibromyalgie...

Le syndrome polyalgique, du fait de l'étiologie peut venir à n'importe quel âge.

3. Les critères admis

Ce sont des douleurs diffuses qui datent depuis au moins trois mois, avec les 11 points douloureux. Ces critères sont désormais admis. Dans les années 70, on parle des "points gâchettes", mais il y a absence de marqueurs biologiques ou radiologiques, ces absences de choses objectives (cela nous trouble et vous trouble) nécessitent d'entendre la plainte du patient, dans le bon sens du terme.

Les critères définis par l'Association de Rhumatologie Américaine sont suffisamment précis et ont une sensibilité (une spécificité) suffisamment importante pour qu'elle soit admise par tout le monde. Malheureusement, actuellement il faut mettre un bémol, c'est-à-dire que des études récentes ont montré que ce diagnostic (et ce n'est pas pour servir les personnes souffrant de fibromyalgies) est trop souvent porté par excès c'est-à-dire certains collègues peuvent se débarrasser des patients en disant, ce sont des fibromyalgiques et les orienter vers des Unités de douleur.

En ce qui concerne la cause (le débat reste) il y a le tout organique et le tout psychiatrique (psychologique) mais on ne peut dissocier le corps et l'esprit. Cette quête d'un diagnostic ne permet pas d'identifier la pathologie. "Si vous passez votre temps à prouver que vous êtes malade, vous ne pourrez jamais guérir."

Il y a des symptômes associés qui interviennent directement sur la qualité de vie : fatigabilité et les troubles du sommeil. Dans les deux cas, on parle de la difficulté à récupérer.

- Ce sont les deux pendants de la fibromyalgie :

  • cette capacité à l'effort

  • cette capacité à récupérer de l'effort et donc à permettre un nouvel effort

4. Douleurs et fibromyalgie

- On distingue :

  • les douleurs nociceptives dues à un excès de douleurs

  • les douleurs inflammatoires : certaines douleurs rhumatoïdes, cancer

  • les douleurs neuropathiques dues à une lésion neurologique, la lombosciatique, le zona

  • les douleurs dysfonctionnelles : fibromyalgies, migraines, algodystrophie.

La douleur est et n'est qu'une émotion. Pour qu'une douleur s'exprime... employons une image : celle de l'allumette et du baril de poudre, la douleur ce n'est ni l'allumette ni le baril de poudre, c'est l'allumette sur le baril de poudre, c'est-à-dire l'explosion. Le baril de poudre c'est toute la personne, c'est "qu'est-ce que signifie cette douleur ?", "est-ce qu'elle va revenir ?", "qu'est-ce qu'elle va m'empêcher de faire ?", c'est cela qui fait la douleur.

Quand on ne peut pas, ou on ne sait pas agir sur la douleur, alors on agira sur le baril de poudre.

La douleur est une sensation désagréable, on ne peut la définir, c'est comme définir le goût du chocolat à celui qui n'a jamais mangé de chocolat, c'est impossible. Personne n'a mal à votre place, vous ne pourrez pas partager votre douleur.

Pour un fibromyalgique, les facteurs d'initiation à la douleur sont une épine irritative, de l'ordre du traumatisme :

  • traumatique corporel

  • souffrance psychologique

  • traumatique d'ordre opératoire

ou bien (le débat reste ouvert, sur ce dernier point je ne prendrai pas position) d'ordre infectieux, voire par rapport à certaines vaccinations.

Des désordres immunitaires sûrement, le lien avec les vaccinations, cela existe mais les liens sont aussi difficiles à faire par rapport à un trouble psychologique, par rapport à une difficulté de harcèlement ou une histoire familiale un peu difficile.

Pour un fibromyalgique, au point de vue clinique : il s'agit de douleurs diffuses

  • plus sur les muscles et les tendons

  • plus axiales c'est-à-dire au niveau du rachis et des grosses articulations autour du tronc

  • avec parfois des algies plus périphériques, polyarthralgies, myalgies d'effort. Ces douleurs diffuses sont le plus souvent ressenties comme étant musculaires et elles sont le plus souvent, maximales le matin, s'atténuant au cours de la journée, pour être de nouveau aggravées le soir.

Elles sont variables suivant les jours, suivant le climat, suivant les efforts, suivant les affections intercurrentes (quoi de plus semblable à une crise de fibromyalgie aiguë qu'un syndrome post grippal, ce sont les mêmes symptômes). Elles sont en relation, avec un manque de sommeil, du froid, de l'humidité, du stress.

5. Fatigue et fibromyalgie

La fatigue est déclenchée par les efforts et même par l'idée de faire des efforts. Évidemment cela entraîne, (ce qui est très important), "c'est à force d'être fatigué, on ne fait plus rien et comme on ne fait plus rien, on devient fatigué pour toute chose qu'on essaie de faire".

On a là les premiers éléments de ce qui va être les possibilités, les stratégies thérapeutiques. Cette fatigabilité est multifactorielle, elle est liée à des facteurs psychologiques (type dépressifs) mais aussi au déconditionnement à l'effort, à des troubles neuroendocriniens (il est étonnant de voir un grand nombre de patients qui souffrent de suées anormales, de frilosité). La fatigue est liée aux douleurs empêchant le mouvement et aux troubles du sommeil empêchant la récupération. Il y a des similitudes avec un autre syndrome, celui de fatigue chronique.

6. Pathologies associées

Il y a des formes organiques associées: des maladies qui ont des marqueurs biologiques qu'on peut prouver, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus, le syndrome sec, les affections chroniques (on fait un bilan inflammatoire quand on voit quelqu'un pour la première fois) et les dysthyroïdies.

Le syndrome douloureux se situe au milieu de d'autres syndromes qui peuvent se mélanger plus ou moins, qui peuvent attirer notre attention et être des manières de nous diriger vers le diagnostic. Les pathologies associées sont donc à considérer :

  • troubles urinaires - troubles de la concentration - troubles respiratoires

  • troubles digestifs - céphalées de tension (pas des migraines) - dépression (40%)

  • syndrome sec - paresthésies (doigts et orteils douloureux au froid) - sensations bizarres

  • douleurs thoraciques - douleurs pelviennes

Il y a des manifestations qui sont fréquentes, comme le syndrome des jambes sans repos dans 30% des cas, l'intolérance au froid, des troubles cognitifs c'est-à-dire des fonctions supérieures, (la mémoire, la rapidité de pensée, l'humeur, la capacité de relation aux autres...).

  • Il y a des formes primitives, cela signifie qu'on ne sait pas encore comment c'est arrivé, il n'y a ni examen biologique, ni examen radiologique pour montrer une douleur quelle qu'elle soit.

  • Les manifestations sensorielles (on entend des bruits, on a du flou devant les yeux) peuvent être d'authentiques pathologies : on peut avoir une autre maladie en plus de la fibromyalgie.

Pas de lien avec des affections psychiatriques. Il y a des facteurs psychopathologiques probables à titre de déclenchement. A chaque histoire, nous (vous) retrouvons un stress traumatique, psychologique qui est parfois une histoire pas réglée, mal réglée (sans jugement de valeur), quelque chose qui peut pérenniser, entretenir.

Il y a souvent une épine irritative organique c'est-à-dire que pour la même chose, il y a beaucoup de réactions diverses face à la douleur, il y a en extrême : des personnes qui vivent avec la douleur, d'autres qui font de la douleur, l'histoire de leur vie. Il y a donc une "galaxie" de symptômes qui peuvent exister. Si on décortique ainsi ce syndrome, c'est pour essayer d'avoir une aide en terme de prise en charge.

7. Prise en charge du fibromyalgique

L'ambiance qui continue à régner, concernant la prise en charge de la fibromyalgie, c'est que trop de praticiens nient la douleur. Si on nie le fait que vous avez mal, on ne peut agir sur la douleur.

Nous sommes à parler de fibromyalgies, avec une prise en charge qu'à partir du moment où l'ensemble d'éventuelles pathologies organiques avec un traitement étiologique (un traitement où la cause est parfaitement identifiée). La plupart ont des problèmes thyroïdiens, des difficultés endocriniennes mais malgré une prise en charge satisfaisante, on se retrouve face à ce syndrome fibromyalgique. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'aventure dans une Unité de douleur commence mais pas avant, il faut que le bilan soit fait par les généralistes, par des spécialistes d'appareil.

L'avis du psychologue, du psychiatre est nécessaire, il faut prendre tous les aspects de la plainte (voir "galaxie" ci-dessus), la prise en charge cognitivo comportementale, la prise en charge psycho comportementale. Dans les CMP (Centre Médico Psychiatrique), la prise en charge par les psychiatres est globale. Parfait !

Il faut avant de s'adresser à l'Unité anti-douleur, il faut avoir fait, un bilan par le généraliste, le rhumatologue, le neurologue. Ce que nous défendons c'est une approche pluridisciplinaire. Il y a complexité, il faut personnaliser et donc les études sont plus longues à faire. Le problème c'est qu'il faut essayer de séparer ce mot douleur, essayer de le décortiquer pour comprendre chacun des mécanismes de cette douleur.

Le nôtre serait d'enlever 50% des douleurs actuelles, c'est déjà bien, mais dans trois mois vous aurez encore 100% de douleurs.

Une image parlante : on est tous sur des plages où il y a des rochers. Moi, non fibromyalgique, je suis à marée haute et que je peux naviguer sur la totalité de la plage et vous, fibromyalgiques, vous êtes à marée basse et il y a des rochers plus ou moins hauts. Il y a deux solutions : on retire les rochers ou on fait monter la mer. Quand on vous dit qu'on ne peut pas retirer les rochers, il faut faire autrement, il faut qu'on abrase un peu les rochers et qu'on fasse un peu monter la mer. L'ensemble de votre environnement, votre entourage permet ce changement.

Il faut très souvent beaucoup de temps, il y a un rythme biologique.

Le bon objectif : c'est d'améliorer la qualité de la vie.

Pour identifier un "handicap" en terme de qualité de vie... une étude a montré qu'à population égale, par rapport à :

  • des insuffisants respiratoires qui ont de l'oxygène à domicile

  • des patients stomisés qui ont une gestion d'anus artificiel, en terme de "handicap"

Un patient fibromyalgique a une gêne beaucoup plus importante que ces deux pathologies.

Si on vous propose des prises en charge qui ne sont pas forcément toujours axées sur l'endroit où vous avez mal, c'est que nous pensons que c'est le plus utile (sans jugement de valeur). C'est être pragmatique.

Actuellement une Unité de douleur de Besançon a fait un travail considérable, on n'a pas encore les résultats, sur les liens de la fatigue chronique et la fibromyalgie.

Certainement quand il y a souffrance, il y a une boucle infernale qui s'installe : une fatigabilité, une hypoxie locale (manque d'oxygène relatif) dans les cellules musculaires. La recherche va plus vite que ce que nous pouvons proposer en terme de prise en charge. Les applications thérapeutiques ne peuvent pas reposer sur un seul médicament, sur une seule explication étiologique (avec cause identifiée).

Nous sommes en relation avec les collègues Canadiens (Québec) Belges (voir sites sur Internet), nous retrouvons ce côté insupportable de la douleur, ce retentissement sur la vie quotidienne, l'impossibilité de plaisirs de la vie, cette recherche effrénée de soulagement. Les Canadiens ont montré que l'on pouvait agir sur les modifications de structures du cerveau pour améliorer la qualité de la vie.

La fibromyalgie est un surcontrôle. Les fibromyalgiques se contrôlent dans ce qu'ils disent, dans ce qu'ils font, contrôlent l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes. Pour ce qui concerne les relations sexuelles, on n'arrive pas à un orgasme en se contrôlant. Un fibromyalgique a du mal à le faire, donc le traitement serait de se faire confiance, on fait confiance à une situation où on laisse le corps faire, devenir spectateur donc vulnérable, lâcher prise.

C'est difficile, mais vous avez tous de l'énergie :

"Ne tapez pas contre un mur en béton. Ne faudrait-il pas mieux chercher un chemin à côté ?"

Il n'y a assez de gens formés dans la prise en charge physique : relaxation, sophrologie, l'ostéopathie, le fascia thérapie, l'acupuncture, le drainage lymphatique... Ces prises en charge, où l'on retrouve cette unité, grâce au corps, sont bénéfiques. Ces techniques face à une hypersensibilisation à la douleur, le corps est en souffrance, permettent de retrouver un équilibre. Mais aucune ne détient la vérité, attention vous êtes en détresse, ne vous faites pas happer par une technique. Gardez votre liberté de conscience.

Dans la fibromyalgie, on trouve des hypersomnies, donc un sommeil relativement long mais très peu récupérateur. Il faudra donc travailler sur la récupération, ces troubles du sommeil peuvent être mis en évidence par des électro-encéphalogrammes. Si on prive les gens de sommeil lent et profond, au bout de trois jours, on entraîne des symptômes qui ressemblent à ceux que la plupart des fibromyalgiques décrivent.

Les pays latins ont pris un retard, mais la formation est en cours, l'hypnose montre un intérêt. Au niveau imagerie médicale, les super scanner (les petscans) montrent l'efficacité de l'hypnose dans la fibromyalgie, montrent un parcours douloureux, au niveau imagerie. On peut voir les modifications que la douleur induit sur le cerveau fonctionnel, ce qui ne se produit pas en psychiatrie. Les douleurs qui durent, entraînent des modifications de structure du cerveau.

Ce n'est pas parce qu'il y a intensité de la plainte qu'on doit obligatoirement répondre avec ce qu'on connaît le mieux de la douleur qui est la douleur par excès de nociception et qu'on doit vous bombarder comme si vous aviez x fractures... La réponse face à ce problème profond doit nécessiter du temps et de la confiance. Les médicaments ne sont que 5 à 10% de la prise en charge.

L'efficacité indiscutable mais inconstante de certaines prises en charge en terme de médicaments que ce soit les antidépresseurs, les sétrons actuellement à la mode, les antagonistes NDA que sont la kétamine. Il y a des patients (il y a eu une étude longue) qui en sortent bénéficiaires, plus qu'avec de l'eau salée.

À travers la réponse de ces types de médicaments, il y a des types de patients différents, il y a des répondeurs et des non répondeurs. Récemment, il y a eu le Congrès Mondial de Rhumatologie, dans la fibromyalgie, des études ont montré, avec un intérêt certain à 12 semaines, l'utilité de certains antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.

Dans les antidépresseurs : deroxat, prozac, laroxyl..., (chacun a été étudié).

Dans les phénomènes de douleur par hypersensibilisation, ils agissent, en plein milieu du cerveau proche de là où il y a émotion, là où il y a sécrétion de notre propre morphine (les endorphines, la metankephaline...) là, où la recherche fondamentale doit aller.

Mais ce serait à énormes doses, qu'un antidépresseur agirait sur la douleur, on sait que c'est pour un passage, mais ce n'est pas le traitement.

Les sétrons (kytril...) donnés comme anti-nauséeux dans les chimiothérapies. Deux études scandinaves montrent un intérêt certain, comme analgésiques, donc sur la douleur, les résultats paraissent encourageants. Ce sont des médicaments qui agissent aussi sur la qualité du sommeil.

La kétamine c'est utile, on a un très grand collègue anesthésiste de Strasbourg, qui a fait une étude fabuleuse sur « kétamine et fibromyalgie", c'est clairement une des études les mieux menées dans le monde, sortie en 2004. La ketamine aide le syndrome douloureux chez le fibromyalgique. Ce traitement a à peine 10 ans, nous avons été les premiers. Les perfusions de kétamine ne sont qu'une aide dans un processus de prise en charge. "La kétamine se mérite". Il faut qu'elle arrive au bon moment. Dans les hospitalisations, vous allez recevoir en 24h, ce qui ferait dormir un patient pendant 5 min. A la sortie, nous donnons un médicament un antitussif, un anti-parkinson, qui prolonge les effets de la kétamine. Elle agit, c'est certain mais comme tout médicament, attention, c'est dans le tableau B des stupéfiants. On ne l'a pas, par voie orale, d'ailleurs ce serait l'isoler du processus, cela vous fait croire qu'on a un traitement miracle.

Quand on voit une anémone de mer, il y a parfait équilibre, c'est très beau, vous passez à côté, il y a un courant d'air, d'eau, l'anémone se rétracte. La neuro-plasticité c'est cela, c'est là où il y avait équilibre, il y a rétractation. Combien de temps l'anémone va-t-elle mettre à se ressortir ? La kétamine va aider à s'ouvrir, mais chez certain il y aura encore rétractation. On est dans quelque chose d'actif, tout ce qui va être dans l'environnement: d'arrêter de marcher autour de l'anémone de mer, de retrouver un équilibre pour l'anémone... si on agit sur l'environnement, la kétamine va agir différemment plus que, si on est en train de regarder si la kétamine agit. La kétamine agit fondamentalement sur la mémoire au niveau cellulaire, sur la plasticité neuronale. Il faut imaginer que quand on a mal depuis longtemps dans un certain endroit, "le chemin vicinal va se transformer en autoroute" et donc toutes les informations vont prendre beaucoup de facilité. L'intérêt de la ketamine avec une association de prise en charge, c'est essayer de diminuer cette "autoroute" et d'essayer de faire passer "moins de voitures" dessus. C'est une thérapeutique de type essai (pas cobaye) mais on s'adapte à la façon dont le patient réagit.

Le Tramadol est un opioïde faible, antalgique étudié qui fonctionne.

Il faut savoir qu'il y a des médicaments qui mettent du temps à marcher comme par exemple le laroxyl dans les anti-dépresseurs (bémol : ceux-ci agissent plus vite sur la douleur que sur la dépression 1 mois 1/2 pour les douleurs, 3 mois pour la dépression).

Les anti-épileptiques comme le rivotril, le neurontin, il faut 1 mois 1/2 à 2 mois pour voir si cela peut marcher mais si au bout de 3 comprimés on est vraiment malade, il faut arrêter.

Les anti-inflammatoires participent à cet effet inhibiteur, cela peut-être une aide, mais on n'est pas du tout dans le remède, par rapport aux effets secondaires que cela peut apportés.

Quant aux opioïdes, malgré le fait que certains soient sous morphine (skenan, moscontin etc., pour passer un cap, nous pensons très clairement qu'ils ne sont pas utiles, ils n'agissent pas "en haut". La morphine est remarquable et a comme principale utilisation, la lutte de l'excès de douleurs.

La fibromyalgie (comme toute maladie dite neuropathique) est une hypersensibilisation mais pas un excès de douleurs, la morphine n'apporte donc rien, peut même provoquer de l'hypersensibilisation. La morphine est une fausse solution pour la fibromyalgie.

En revanche dans les Pays d'Europe du Nord, c'est devenue une cause nationale, la morphine devient un vrai problème, c'est-à-dire que là où il y a eu facilité de prescriptions, prescriptions non raisonnées, on se retrouve avec des patients que nous devons gérer progressivement pour arrêter la morphine. En 2005, on peut dire "la morphine n'est pas un médicament adapté", ce n'est pas un problème de reconnaissance de la douleur.

Nous allons participer à une étude européenne sur un certain type de traitement, de prise en charge thérapeutique). Par l'intermédiaire de cette enquête, nous aurons une étude épidémiologique, on verra de plus près ce que c'est la fibromyalgie, on aura votre population en quelque sorte. Il y a 20 ans, une étude épidémiologique sur la migraine a permis de mieux comprendre les migraineux, les distinguer, indiquer une thérapie spécifique. C'est une telle étude que nous voulons sur la fibromyalgie (on ne veut pas faire que parler de la fibromyalgie).

Il faut le réentraînement à l'effort, pourtant beaucoup de fibromyalgiques ne savent pas se reposer. C'est difficile, il va falloir agir, mais ce qu'on pense être plus important, c'est de changer, c'est de bouger un peu dans sa tête, c'est-à-dire d'essayer d'adapter la vitesse de sa tête à la vitesse de son corps. Quand on a une tête qui va à 300 km/h et son corps qui va à 0, rien ne va. Il faut du temps, de la lenteur, c'est un vrai changement, il ne faut pas avoir des objectifs trop haut. C'est apprendre à être zen, à être content de trouver du plaisir à changer. Il faut changer d'objectif.

Pourra-t-on revenir au même niveau qu'avant la maladie ? La question est : "Êtes-vous prêt à payer en douleurs. Le plaisir que vous preniez auparavant à faire X kilomètres doit être le même à faire beaucoup moins et surtout différemment.

Le problème de la fibromyalgie c'est le rapport au corps, or pendant la cure thermale on a le moyen d'avoir un bon rapport au corps, d'être loin des soucis quotidiens, on se repose, on s'occupe de soi. Puisque c'était bon pendant la cure, alors pourquoi ne pas chercher à continuer dans cette voie ?

Le combat à mener avec l'Association : c'est qu'il y ait accès facile à une prise en charge kiné de ce qui est digne de ce nom, une prise en charge psycho comportementale la plus facile possible, et la rationalisation du traitement médicamenteux (nécessité d'avoir le minimum de médicaments. Actuellement, dans le cas de la fibromyalgie il y a trop de médicaments.

Les modes d'entrée dans la maladie sont tellement divers qu'on ne peut avoir un traitement unique. Faut pas rêver. On ne dit pas : "la prise de ketamine c'est la solution, la prise en charge physique (cure thermale...kiné) c'est la solution", il faut que tout cela fasse partie d'une prise en charge globale.

Il y a trois types de traitements, en douleurs chroniques :

  • ceux qui ne marchent pas

  • ceux qui marchent mais que vous ne supportez pas

  • ceux qui marchent.

Il n'y a qu'une personne qui le sait, c'est vous. Quand on ne prend pas un traitement, on ne peut pas en espérer des effets bénéfiques.

Il n'y a pas d'étude sur les champs magnétiques pulsés, il est vraisemblable que le magnétisme électrique ait une influence mais là encore, il y a un problème c'est qu'il n'y a pas de prise en charge et il y a des gens qui l'ont pris en charge avec un "concept no limites", donc ils en profitent, il faut voir les prix énormes...4.000€...

Dans l'Association, il faut mettre en garde chacun sur ce qu'on trouve sur Internet ou sur les recettes de grand-mère que l'on trouve à droite ou à gauche; la prise en charge est "un tout". L'Association doit jouer le rôle de filtre.

Il faut que les observations ponctuelles soient validées, c'est important. Les propositions par rapport à un régime alimentaire peuvent être utiles mais il y a complexité, de ce phénomène, de cette douleur avec les signes associés, les masques de la fibromyalgie sont multiples. Nous sommes dans une société mercantile et vous êtes des proies faciles.

Il n'y a qu'une personne qui peut voir s'il y a amélioration, c'est la personne elle-même. Mais attention aux médicaments qu'on vous colle. Pensons au rapport bénéfices, risques, ou rapport bénéfices, désavantages. Le traitement ne peut être le même pour tous.

8. Reconnaissance de la fibromyalgie

À partir du moment où on n'est pas capable actuellement, de démontrer une cause, la recherche permanente de la cause, vous entraîne vers un échec obligatoire, cela va vous faire croire qu'on va vous la montrer et vous allez être toujours déçus, à double titre :

  • d'une part, on ne va pas le trouver ou on va trouver quelque chose qui n'a pas de rapport

  • d'autre part, par les médicaments car vous pensez "on a trouvé la cause, on retire la cause et on n'a plus de symptômes".

Si vous cherchez avant tout une reconnaissance, vous aurez toujours mal, car la seule façon d'être reconnu, c'est d'avoir mal. Ce n'est pas le bon objectif.

Par rapport au contentieux, si voulez la reconnaissance, la douleur doit être là. Quand vous venez nous voir, vous désirez légitimement diminuer votre douleur. Vous vivez dans ce paradoxe permanent : la reconnaissance de la douleur, la guérison de cette douleur. Cette schizophrénie est due à la non reconnaissance de la fibromyalgie. Tant qu'on en restera là, on n'avancera pas. La douleur est "bas", n'est ni morale, ni juste. On met la douleur, on travaille avec la douleur (on ne vit pas avec elle), le but est de se retirer suffisamment loin pour voir qu'il y a des choses avec elle, des choses avec lesquelles on peut vivre.

Les soignants ont des limites. Le grand danger est :

  • d'asséner des prescriptions médicamenteuses

  • d'asséner des vérités (d'ordre morphinique, d'ordre psychanalytique)

On est dans la toute puissance, on compatit, on ne compatit pas mais dans un rôle du médecin trop "début du siècle" avec sa haute autorité et du patient qu'on appelle malade qui doit subir. N'oublions pas que le mot "malade" vient de "mal").

Lueur d'espoir : la loi de février 2005 définit le handicap non pas comme une impossibilité physique mais comme une gêne à la qualité de la vie. La Maison Départementale du Handicap "guichet unique" qui va s'occuper du handicap, à cette occasion il est possible que la fibromyalgie soit comprise d'une façon autre, mais il ne faut pas se leurrer "vous souffrez, vous avez un réel handicap, mais ce handicap n'est pas mesurable. Tant qu'il ne soit pas mesurable, vous allez vous retrouver, avec une suspicion de "bénéfices secondaires". Mais quand on est en face d'un payeur, il ne va voir que les bénéfices secondaires.

Nous sommes avec un troisième plan national, celui de 2006-2010 sera davantage subventionné. Dans ce plan, est prévue, une formation médicale des généralistes et aussi de l'ensemble du personnel du soin. Depuis un an, en Loire-Atlantique, nous sommes sur cette voie, dans les mois qui viennent, nous serons plus actifs avec le Réseau des Douleurs 44.

Merci à la personne qui m'a envoyé ce chapitre

 

 

 

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