Cette expression est surtout populaire dans le monde des jeunes. Elle est assez mystérieuse, mais dynamisante. Elle dit beaucoup.

En face de chez-moi, les enfants jouaient au ballon. À un petit qui échappait le ballon plus souvent qu'à son tour, l'équipe lui crie : " Allume ".

Suivant une voiture qui hésite au carrefour, le neveu près de moi, adresse au chauffeur un " Allume "...

À la caisse du supermarché, à la femme qui met une éternité (quelques secondes tout au plus) à trouver sa monnaie, un jeune de la file dit entre ses dents : " Allume ".

Je ne peux entendre le mot " Allume " sans penser à l'ami Patrice, il était le voisin de la Mission au Tchad. Menuisier qualifié, il était à l'embauche d'une grosse usine qui lui donnait un bon salaire.

Quand la Société d'Électricité s'est installé à Moundou, ville du Tchad, la Mission s'est empressée de s'abonner. Merci mon Dieu... adieu les fanaux et les lampes à pétrole !

Pour nous faire pardonner ce luxe, nous avons mis la lumière sur la véranda ouverte aux étudiants et écoliers pour faire leurs travaux et étudier leurs leçons. Les jeunes assoiffés de " lumière " venaient en grand nombre.

L'ami Patrice, un bon jour, vient me consulter, s'informe du coût etc., et se décide pour l'électricité. La lumière chez-lui attira beaucoup de nouveaux amis ! L'eau fraîche du réfrigérateur n'était pas étrangère à la venue des visiteurs, ni la bière fraîche que lui, Patrice et Marie sa femme, se sentaient obligés d'offrir.

Patrice n'a pas dit aux nouveaux amis " Allume ", mais il a eu une brillante idée. Pourquoi ne pas partager " ma " lumière " avec les autres ?

De nuit, afin d'être bien sûr de ne pas être trahi ou dénoncé, il raccorde les fils de chez lui jusque chez le beau-père qui, à son tour organise oncles et cousins, tout cela dans le plus grand secret.

La lumière se répand vite. Les nuits sont plus claires, le quartier plus brillant ! Même nous les missionnaires, nous nous réjouissons de l'ouverture de nos ouailles en faveur de la lumière et la modernité !

Un mois se passe, puis Patrice vient me voir.

« Père, combien m'as-tu dit que ça vous coûtait pour éclairer vos huit chambres, l'église, la salle de réunion et la véranda ? »

Je lui montre notre facture, que nous trouvions pourtant assez salée. et il s'écrie : " Juste cela " !

Puis il me montre la sienne. À mon tour d'être surpris et de lui dire qu'il y a sûrement une erreur. Je lui suggère d'aller au bureau des réclamations, car il est surévalué. C'est alors qu'il m'explique qu'il a " allumé " les voisins.

Je lui montre la petite boîte sur le mur, que l'on appelle un compteur !!! Il me dit que lui aussi en a une petite boite. Il a vite compris.

La morale de cette histoire : c'est beau d'être " allumé "... et " d'allumer " les autres, mais encore faut-il y mettre le prix !

" Allume ", mon vieux !

Source : Clifford Cogger, capucin