Elle était bien fière de son missionnaire, maman. Alors quand je venais en congé, il me fallait lui faire plaisir : une bonne quinzaine de jours à jouer le " cheval de parade "...

Me faire voir par les vendeuses de chez Paquet que sollicitait ma tante pour " son " missionnaire; aller visiter les cousins et cousines de maman. Avant d'arriver à la maison, je devais demander les noms de ceux et celles à qui je faisais l'honneur d'une visite, moi, le missionnaire du Tchad !

C'est ainsi qu'un jour, j'arrive chez le cousin (de maman) Daniel. Je n'ai jamais oublié Daniel. C'est lui qui m'a fait aimer les orchidées. Depuis, j'ai un " faible " pour cette fleur extraordinaire.

On me bombarde de questions sur l'Afrique. Que les petits bébés viennent au monde " roses " comme nos bébés les renverse. La polygamie semble plaire aux cousins mais scandalise les cousines. Que l'église africaine commence à avoir ses prêtres les réjouit, car " tu peux rester ici maintenant, on en a plus besoin qu'eux "...

Puis on me pose la question :

- Qu'est-ce que ça donne, vos années là-bas ?

Je ne sais trop quoi répondre et dis simplement :

- Ah là, seul le bon Dieu peut vous répondre "

Daniel sursaute :

- J'aime la réponse, viens, cousin, je veux te montrer quelque chose.

Il m'amène derrière sa grange, là où ils entassent le fumier. Puis comme si nous étions dans un musée chic et sélect, comme un riche propriétaire, il me montre la plus belle orchidée que j'ai jamais vue. Là, sur ce tas de fumier. Je n'en reviens tout simplement pas.

- Tu vois, cousin, c'est peut-être le vent, mais qu'importe qui a mis une graine là, pour elle, ce n'est pas du fumier mais un riche terreau..., puis le soleil du bon Dieu a fait le reste et lui a donné cette couleur bleu ciel. Toi et moi, on ne peut faire qu'une chose : admirer et contempler...

Cette orchidée m'a profondément impressionné... le cousin Daniel aussi ! Bien sûr que je ne considère jamais une situation ou une personne comme du fumier... Mais quand j'entends dire qu'un fils ou une fille est " au fond du baril ", qu'il n'y a plus à espérer d'un tel ou d'une telle, que rien de beau ou de bon ne peur sortir de telle situation, mon " orchidée " me revient toujours à fleur de coeur. Le " terreau " est là, quel bon vent y sèmera une graine de vie ? Puis le soleil du bon Dieu - qui ne manque jamais - fera le reste, lui donnera cette couleur " bleu ciel ".

C'est si beau, une orchidée !

Dans le " terreau " que nous sommes, il y a toujours une graine d'orchidée. Souvent, c'est le soleil du bon Dieu qui n'a pas la chance de réchauffer et d'insuffler vie à " ce qui est là ".

Et si c'était moi, toi, qui devenions " soleil du bon Dieu " et qui donnions cette petite couleur bleu ciel à l'orchidée qu'est mon frère, ma soeur, mon fils, ma fille, mon voisin, ma voisine ?

Daniel, cousin de maman, merci de m'avoir fait contempler ton orchidée exposée derrière ta grange...

Je rêve que derrière la mienne, il puisse y en avoir beaucoup de cette couleur bleu ciel.

C'est si beau, une orchidée !

Clifford Cogger, capucin.

   

 


 

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